Obermorschwiller célèbrera la Fête-Dieu le 10 juin 2012, dans le respect de la dimension spirituelle qu’y attachent de nombreux paroissiens. En parallèle, la commune, des habitants, l’association « Culture et solidarité » ont décidé de rééditer la journée du patrimoine d’Obermorschwiller qui, en 2005, rencontra un vif succès. La concordance de la Fête-Dieu et de la Journée du patrimoine ne traduit aucun amalgame ou prosélytisme religieux. Elle montre simplement l’imbrication entre des éléments patrimoniaux matériels et les pensées, croyances, sentiments, pratiques relatives à la spiritualité, religieuse ou non.
L’église d’Obermorschwiller, comme la plupart des églises villageoises, peut être vue sous différents angles, indépendamment de sa vocation cultuelle :
Celui de marqueur symbolique du village archétypal, groupé autour de son clocher (voir l’affiche de François Mitterrand « la force tranquille » pour la campagne présidentielle de 1981, image régulièrement reprise par la plupart des partis politiques… et l’industrie et le commerce agroalimentaires)
Celui d’objet de tourisme culturel
Celui du monument historique en tant qu’œuvre justifiant conservation au sein d’un ensemble constitutif de l’identité de la Nation (un concept en perte de sens) ou de la Région (un concept peut-être surcoté)
Celui de lieu à travers lequel les chercheurs en sciences sociales saisissent des pratiques sociales contemporaines
Celui d’objet archéologique renseignant sur les cultures spirituelles et matérielles de sociétés anciennes ou révolues
Par la force des représentations et des images, l’église d’Obermorschwiller est tout cela, séparément et en même temps, à des degrés divers de conscience. Néanmoins on s’aperçoit vite que chacune des couches du mille-feuilles est définie depuis les points de vue et les intérêts (respectables) de groupes professionnels (politiques, communicants, développeurs touristiques, professionnels de la culture et des sciences sociales etc…).
Notre église peut être abordée depuis un autre point de vue, n’excluant pas les autres. La voie ouverte par Isaac Chiva, inventeur de la notion de patrimoine ethnologique au début des années 1980, est celle sur laquelle nous pouvons rencontrer les habitants, et leur témoigner du poids que nous apportons à leur parole. Les habitants, à travers un ensemble de transactions dépassant ce qui peut les opposer, affectent à –par exemple- cette église une valeur patrimoniale singulière, chargée de significations individuelles et collectives. Cette construction de la notion même de patrimoine (qui en quelque sorte autorise les personnes à habiter le vêtement de l’objet patrimonialisé) exprime les visions du monde d’aujourd’hui, appartenant à une diversité d’habitants nommée « Obermorschwiller ».